Penser l'après-Covid, le pouvoir de la destruction créatrice
- Lucas Corroy
- 6 janv. 2022
- 4 min de lecture
Tout d’abord, qu’est-ce que la destruction créatrice ? C’est le processus par lequel de nouvelles innovations viennent constamment remplacer des technologies et activités déjà existantes. On remplace donc ce qui est obsolète. Cette idée est développée par l’économiste Schumpeter. Et selon lui, il existe un paradigme lié à la croissance nommé, le paradigme schumpetérien de la croissance. Ce paradigme se base sur 3 idées :
- La source principale de croissance est l’innovation cumulative, c’est-à-dire le fait d’innover sur quelqu’un d’autre ;
- L’entrepreneur espère ensuite avoir des rentes d’innovation, un monopole temporaire ;
- De nouvelles innovations remplacent finalement les anciennes.
Au cœur du processus de croissance, il y a une contradiction car il y a un besoin de rente mais les innovateurs d’hier veulent utiliser ces rentes pour ne pas être victimes eux-mêmes du processus de destruction créatrice. Le rôle du capitalisme est donc de réguler cette contradiction. On peut réguler cela par le flux d’innovation ou de brevet, mais aussi par la création et destruction au sein de l’entreprise.
Quelques énigmes historiques
- Le décollage industriel : Madison, jusqu’en 1820, observe qu’il y a des décollages temporaires dans certaines régions du monde. En 1820, Europe, Angleterre, France connaissent un décollage mondial. Cependant, en Chine, il y a plein d’inventions mais ce décollage n’est pas présent. Mokyr souligne qu’il existe des institutions qui permettent d’autres innovations, de développer le savoir (encyclopédie, université). Le phénomène de Glorious Revolution et en France aussi avec les révolutions bourgeoises permettent ce décollage et enfin la destruction créatrice et la concurrence entre pays européens permet ces innovations ;
- Les révolutions technologiques et l’emploi : il y a des technologies génériques qui se répandent à tous les secteurs de l’économie. Par exemple, la révolution de la machine à vapeur au moment du décollage industriel se développe ensuite à tous les secteurs mais avec un certain retard dû à l’habitude des anciennes technologies. Il existe la crainte en plus que cela remplace la force de travail. On a donc le mouvement ouvrier contre les machines à vapeur (le luddisme). Et plus récemment, des débats sur la taxation potentielle des robots (B.Hamon) ;
- La stagnation séculaire : la croissance en Europe augmente jusqu’en 2005. Elle permet de produire des idées, de remplacer les hommes par le capital et surtout dans les secteurs qui utilisent des TIC (Technologies d’Information et de Communication) où on observe une baisse de croissance et aussi pour les GAFAM qui ont su prendre avantage de ces TIC. Les GAFAM prennent de plus en plus d’importance dans l’économie et on observe donc une croissance dans plusieurs secteurs mais une fois qu’elles ont leurs innovations, elles n’ont plus besoin d’innover à nouveau. La politique de la concurrence aux EUA n’est dès lors pas adaptée à cette situation. On parle d’ « acquisitions tueuses » ;
- Les trappes intermédiaires : il y a des pays qui s’arrêtent de croire après une forte croissance (Argentine, Corée, Japon, France après les Trente Glorieuses). On parle du syndrome argentin. Pour corriger cela, il faut un rattrapage technologique ou des innovations à la frontière (allégorie de la classe où les élèves forts aident les moins forts) ;
- Innovations et inégalités : Piketty, Saez et Atkinson démontrent que la part de la richesse mondiale détenue par le top 1% augmente. Cela s’explique par le lobbying qui réduit la mobilité sociale possible par l’innovation. Il faut dès lors distinguer la rente d’innovation de la rentre de lobbying. On peut également parler du problème concernant le financement privé de campagnes pendant les élections.
Quelques idées reçues
- Il faut taxer les robots pour protéger l’emploi : or, les entreprises qui se robotisent créent des emplois. En effet, elles deviennent plus productives donc baissent leur prix et donc leur marché mondial augmente et elles peuvent embaucher plus ;
- L’impôt est le seul levier pour la politique de la concurrence : il existe d’autres leviers tels que l’éducation, ou encore le financement des campagnes politiques qui se doit d'éviter d'être privé ;
- Le protectionnisme est la seule façon de reconquérir la maitrise des chaines de valeur : or, les taxes douanières entrainent la fermeture des marchés des autres pays et cela réduit l’incitation à innover. Il faut dès lors s’industrialiser par l’innovation ;
- La décroissance est la seule solution face au réchauffement climatique : au moment du décollage industriel, le réchauffement climatique apparait, certes, cependant, il n’est absolument pas possible de revenir au niveau d’avant 1820. Il faut donc faire usage d’innovations vertes. Il s’agit de réduire la dépendance au sentier. La destruction créatrice est donc une première solution. L’État a des instruments pour cela (taxe carbone, nucléaire nécessaire). Il faut donc revoir le rôle de l’État et de la société civile.
Repenser le capitalisme : le Covid comme révélateur
Notre modèle écosystème d’innovation n’est pas adapté. Voilà ce que nous a révélé la crise du Covid. Trois politiques permettent ainsi l’innovation et la protection :
- La flexisécurité (politiques assurant la flexibilité d'un marché accompagnée du volet sécurité) ;
- Les politiques pour favoriser la concurrence ;
- L’éducation (pour éviter les « lost einstein », individus n'ayant pas eu l'opportunité de suivre des études alors qu'ils auraient pu obtenir des diplômes et contribuer aux innovations futures).
Source
Conférence de Philippe Aghion "Penser l'après-Covid" sur son livre Le pouvoir de la destruction créatrice.
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